vendredi 5 octobre 2012

L'hypothermie


Le lendemain matin (après avoir passé la pire nuit de ma vie), Jean-François m'appelle à 7h. Il est à l'hôpital depuis 6h et semble assez optimiste au téléphone. Il me dit qu'il a été très bien accueilli par une infirmière. Elle lui a fait visité les lieux, lui a donné leur numéro direct (on peut appeler à n'importe quelle heure pour avoir des nouvelles de notre bébé), ainsi que le code de la porte du service de réanimation néo-natale. Il a vu la pédiatre de la veille qui, par contre, elle, était toujours très pessimiste. 
Et il a surtout vu Aurore. Elle est dans une chambre, branchée à tout un tas d'appareils, couverte de fils et de perfusions. Elle est déjà plongé dans un sommeil profond, le protocole a commencé. Elle ouvre un peu les yeux quand l'infirmière la touche. Elle la regarde et regarde son papa. Elle bouge un peu les bras et les jambes. Jean-François me dit que si son cerveau était atteint elle n'aurait aucune réaction. On s'accroche à cela. Il y a de l'espoir...

La chambre d'Aurore à Louis Mourier

Je reste à Béclère, il n'y a toujours pas de place pour moi à Mourier. A part les infirmières (qui sont adorables) personne ne vient me voir. Pas de sage-femme ou de puéricultrice, pas de psychologue après le choc de la veille, rien. Je veux allaiter Aurore mais sans bébé que faire ? Personne pour m'expliquer quoi faire dans cette situation. En fin de matinée une femme entre brusquement dans la chambre, me demande si je souhaite allaiter, je répond que oui. Elle me dit qu'il faut que je tire mon lait mais qu'ils n'ont pas de tire-lait pour moi. Elle me tend la brochure d'une société qui loue des tire-lait. Elle me dit de les appeler au plus vite qu'ils m'en livreront un à l'hôpital. Je pleure.
Jean-François arrive. Une infirmière vient nous voir pour nous annoncer qu'une ambulance viendra me chercher à 15h pour m'emmener à Louis Mourier. Et que tant que je n'y aurai pas de place j'aurai une ambulance tous les jours. Enfin une bonne nouvelle.
Les ambulanciers arrivent, je vais pouvoir voir ma fille !
J'arrive devant la chambre d'Aurore en brancard (impossible de marcher après la césarienne). Je m'assois près d'elle, je peux enfin, la toucher, lui parler. Elle est magnifique et semble si paisible. 
Les infirmières sont adorables. Elles me donnent tout de suite un tire-lait et m'expliquent comment l'utiliser.
Nous passons ainsi quelques heures avec Aurore. On rigole beaucoup Jean-François et moi, on lui raconte des blagues (enfin surtout son papa), on lui dit à quel point nous sommes fiers d'elle et comme nous la trouvons courageuse. 
Les ambulanciers reviennent me chercher. C'est la déprime totale en retournant à Béclère.

Aurore dans sa petite combinaison de cosmonaute

Le lendemain, je téléphone dès 8h à la société qui loue les tire-lait, après avoir bien sûr appeler l'hôpital pour prendre des nouvelles d'Aurore. J'appelle l'hôpital tous les soirs et tous les matins - mon petit rituel le temps de son hospitalisation. La société ne peut me livrer un tire-lait que le lendemain à partir de 14h. 
J'éclate en sanglots devant l'infirmière qui est en train de s'occuper de moi. Et cerise sur le gâteau on vient me dire que je n'aurai pas d'ambulance aujourd'hui que je n'avais le droit qu'à un aller-retour en ambulance, pas plus. 
Je trouve inadmissible que personne ne fasse d'effort avec tout ce qui nous est arrivé. Je pleure, je crie, je menace, bref je me défoule. Dans la demi-heure je vois une sage-femme qui m'amène un tire-lait et m'explique comment m'en servir. La psychologue de l'hôpital viendra me voir dès le lendemain. Et j'aurai une ambulance à 15h pour aller voir ma fille. 

Je revois la femme médecin qui m'a fait la césarienne, je demande des explications. Il y a encore beaucoup de zones d'ombre dans ce qui s'est passé samedi. Je ne comprends pas pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour faire la césarienne. Elle me répond que si on devait faire des césariennes à toutes les femmes dont le bébé est un peu secoué pendant les contractions, on ne ferait que des césariennes. Mais bon, toujours est-il, que pour moi, on a attendu trop longtemps. Elle me dit que la politique de Béclère est de privilégier au plus les naissances naturelles. Elle m'explique que le protocole a été respecté, dès que le bébé a été en danger j'ai été conduite au bloc opératoire en dix minutes.
Il y a aussi le problème de la sonde bouchée. Elle me rassure, ça n'a pas duré longtemps, à peine quelques minutes (15 minutes en fait à la lecture du compte-rendu d'accouchement que j'ai reçu bien plus tard évidemment). De toute façon ils ont réponse à tout et ne se sentent pas responsables. Ils ont suivi tous leurs protocoles, ils n'ont rien à se reprocher. Mais en attendant mon bébé est en hypothermie et n'est pas sûr de s'en sortir indemne !

Aurore en hypothermie

Les jours passent, on a vu trois pédiatres différents pendant tout le temps où Aurore était en hypothermie et ils nous donnaient les pires scénarios : elle ne pourra peut-être jamais marcher ou parler, elle aura un retard de développement, un manque d'attention à l'école...  Lors du réchauffement elle peut avoir des convulsions au cerveau et il est aussi possible que l'on découvre des séquelles une fois le bébé réchauffé.

Le mercredi - après 3 jours passés en hypothermie - ils commencent le réchauffement (0,2 ° par heure). 
C'est le jour crucial, il faut être très vigilant. Le pédiatre envoie les données de son encéphalogramme toutes les 6 heures à un collègue qui les lit et s'assure qu'elle ne  fait pas de convulsions.
Nous arrivons en début d'après-midi. Le pédiatre nous voit et nous dit simplement "tout se passe bien". Mon coeur explose de joie et de soulagement. 

Je sors enfin de l'hôpital le jeudi en fin de matinée. On se rend immédiatement auprès d'Aurore. Quel bonheur de passer enfin presque 8 heures d'affilées avec elle ! Le réchauffement s'est très bien déroulé, il n'y a pas eu de convulsion, on n'a pas découvert de séquelles. Il faut rester positif pour le lendemain, jour de son IRM.


Le rendez-vous pour l'IRM au nom de Madame Aurore Nizier

Le retour à la maison est horriblement déprimant, je suis seule, sans bébé. Je vois des voisins qui, inquiets, me demandent où est le bébé, j'éclate en sanglots. Ils sont adorables et rassurants. On va à la pharmacie commander un tire-lait. Je pleure à nouveau devant la pharmacienne. Nous partons enfin pour Louis Mourier. On voit Aurore avant son grand examen. Elle est si belle et si fragile et forte à la fois. On lui dit comme on l'aime, comme on a confiance en elle et on lui répète combien nous sommes fiers d'elle. Comme elle est courageuse. Tout va bien se passer. 
Elle part avec Audrey, notre infirmière préférée. On ne peut malheureusement pas venir avec elle. On va manger un bout en attendant. De toute façon comme nous sommes en août, il n'y a qu'un médecin à l'hôpital Robert Debré qui peut lire les IRM de tous les hôpitaux d'Ile-de-France. On aura les résultats que lundi ou mardi.

On revient vers 13h, Aurore vient d'arriver. Tout s'est bien passé. Maintenant ils arrêtent le sédatif et elle va pouvoir se réveiller toute seule tout doucement. Une fois réveillée elle sera enfin extubée. Je demande s'il est possible d'être là lorsqu'on lui enlèvera tous ses tubes. C'est en fait assez compliqué car ils ne savent pas quand ils le feront, tout va dépendre de quand le sédatif aura cessé de faire effet. Le pédiatre arrive et nous dit qu'il a les résultats (il est 14h30). Il nous demande de l'attendre dans la salle pour les parents. 
Je suis tellement épuisée que je n'arrive même plus à être stressée. Il nous rejoint avec Audrey. Il nous explique tout ce qu'Aurore a traversé depuis son arrivée ici, tous les risques qu'elle a encouru, qu'elle encourt encore maintenant. Les résultats de l'IRM sont rassurants. La matière grise n'a pas été touchée. La substance blanche est un peu trop blanche mais rien d'alarmant. 
La substance blanche est responsable de la propagation des informations dans le système nerveux. La myéline qui entoure les axones et qui donne à cette structure sa couleur blanche est responsable de la conduction rapide du signal électrique.
Il nous dit qu'Aurore devra probablement repasser une IRM dans deux mois, et que de toute façon elle devra être suivie pendant au moins trois ans par un pédiatre du réseau et un neuro pédiatre. 
Peu nous importe notre fille est vivante et n'a pas de séquelles graves au cerveau. On va enfin pouvoir profiter d'elle ! Vivement qu'elle se réveille, qu'on puisse enfin la prendre dans nos bras, l'embrasser, la câliner, lui montrer tout l'amour que l'on a pour elle !!




1 commentaire:

  1. Pour être passer par l’hypothermie au mois de mai avec ma petite puce qui y a passer 72h je me retrouve parfaitement dans votre texte 72h ou mon cœur été en suspend ou je n'ai pas réellement dormis ni mon conjoint d’ailleurs. Dans mon malheur j'ai quand même eu de la chance car elle té dans le même hôpital que moi et que l’équipe médicale qui c'est occupé d'elle été génial.Aujourd'hui elle n'a pas de séquelle et ce porte très bien. Je vous souhaite tout le bonheurs du monde et profiter bien de votre fille.

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